À cette époque-là, c’était toujours fête. Il suffisait de sortir et de traverser la rue pour devenir comme folles, et tout était si beau, spécialement la nuit, que, lorsqu’on rentrait, mortes de fatigue, on espérait encore que quelque chose allait se passer, qu’un incendie allait éclater, qu’un enfant allait naître dans la maison ou, même, que le jour allait venir soudain et que tout le monde sortirait dans la rue et que l’on pourrait marcher, marcher jusqu’aux champs et jusque de l’autre côté des collines. « Bien sûr, disait les gens, vous êtes en bonne santé, vous êtes jeunes, vous n’êtes pas mariées, vous n’avez pas de souci… » Et même l’une d’entre elles, Tina, qui était sortie boiteuse de l’hôpital et qui n’avait pas de quoi manger chez elle, riait elle aussi, pour un rien et, un soir où elle clopinait derrière les autres, elle s’était arrêtée elle s’était mise à pleurer parce que dormir était idiot et que c’était du temps voler à la rigolade.
::: Cesare Pavese ; Le bel été
Vendredi 20 décembre 2024
Samedi 14 décembre 2024
Lundi 16 décembre 2024
Jeudi 12 décembre 2024
Si je devais réfléchir à ce pour quoi j’ai commencé à écrire, je dirais que la littérature, pour moi, consiste à décrire de beaux jeunes hommes. Des garçons partout, des garçons tout le temps: le projet vain d’un voyeur innocent. Mais à force de buter, le désir s’est usé.
::: Robin Josserand ; Prélude à son absence
Mercredi 11 décembre 2024
Tram. Les mots dans le livre d’Annie Ernaux me ramènent ailleurs, à janvier, à mon absence dans une chambre d’hôpital avant la sienne immense. Alors je pleure ; peut-être qu’on me regarde.
Mardi 10 décembre 2024
Lundi 9 décembre 2025
Fin 85, j’ai entrepris un récit de sa vie, avec culpabilité. J’avais l’impression de la placer dans le temps où elle ne serait plus.
::: Annie Ernaux ; Je ne suis pas sortie de ma nuit
Dimanche 8 décembre 2024
Vendredi 6 décembre 2024
Mardi 3 décembre 2024
Lundi 2 décembre 2024
Dimanche 1er décembre 2024
Samedi 30 novembre 2024
Vendredi 29 novembre 2024
Je ne connaîtrai jamais les véritables raisons de la séparation de mes parents. Il devait pourtant y avoir un profond malentendu dès le départ. Un vice de fabrication dans leur rencontre, un astérisque que personne n’avait vu, ou voulu voir.
::: Gaël Faye ; Petit pays
Jeudi 28 novembre 2024
J’ai toujours voulu écrire comme si je devais être absente à la parution du texte. Écrire comme si je devais mourir, qu’il n’y ait plus de juges. Bien que ce soit une illusion, peut-être, de croire que la vérité ne puisse advenir qu’en fonction de la mort.
::: Annie Ernaux ; L’occupation
Mardi 26 novembre 2024
Dimanche 24 novembre 2024
Samedi 23 novembre 2024
Malgré l’épuisement, malgré la nuit prolongée devant le film du matin grignotant Rosselini sans vergogne, malgré la journée déjà bien entamée, folie légère, nous partons. Là-bas il y a les oiseaux. Même nous verrons la mer dans la nuit ; avant on croyait entendre les vagues mais ce n’était que le vent.
Vendredi 22 novembre 2024
L’appartement de notre mère, près de la Porte de Saint-Cloud, est devenu un capharnaüm sans vie qui dégage une tristesse poignante. Mon frère et moi nous employons à le vider de ses meubles, de ses livres, de tout ce que maman avait acquis au fil des années et de ce qui lui vient de ses parents : un précieux bric-à-brac qui a l’étrange pouvoir de raconter plusieurs générations, plusieurs vies.
::: Anne Wiazemsky ; Hymnes à l’amour
Il y a dehors ceux qui craignent le froid et la pluie, les hommes assis sur le trottoir sous d’épaisses couvertures de peu, presque on les enjambe, on ne sait ni dire ni faire ni les regarder vraiment et puis il y a les femmes grimaçant sur des vélos. Hier je suis resté chez moi, je n’ai rien vu, rien vu que la pluie qui frappait les carreaux. Je ne sais même pas s’il faisait froid dehors, je n’ai pas franchi la porte, pas ouvert la fenêtre. J’avais aimé ce cocon, j’avais travaillé à l’abri des autres.
Jeudi 21 novembre 2024
Il est de ceux qui sont passés. Nous parlons, moi ici, lui là-bas, Niagara. Nos mots reviennent encore sur ce qui n’a pas existé, n’existe pas. Je ne sais plus trop pourquoi.
Mercredi 20 novembre 2024
Il a les yeux et le nom d’un conquistador, le manteau noir, les cheveux tout autant, la barbe tout autant, courte. La chemise blanche est impeccable, boutonnée au col. Avec Clément on parle de lui, il me regarde, je ne sais pas s’il faut l’aborder. Son travail, ici exposé, m’a pourtant plu, beaucoup, et donc avec Clément on parle de lui en buvant un peu de vin blanc et en grignotant ce qu’on nous tend en souriant, tout est très souriant d’ailleurs, quelques femmes ont eu, on le constate, quelques traits adoucis et plus tôt aussi avec Benjamin on parlait de ça, je veux dire on parlait des œuvres du conquistador, je les aime, je disais qu’elles donnaient envie de les faire. Il ressemble à Pierre Niney. Mais c’est Benjamin que je suis venu voir, Benjamin et son travail, léger et organique, des animaux qui n’existent pas, des fleurs qui n’existent pas, des minéraux qui n’existent pas. Tout cela, quelque part, n’existait pas non plus avant qu’on pousse la porte, monde inédit.
Mardi 19 novembre 2024
Lundi 18 novembre 2024
Dimanche 17 novembre 2024
Samedi 16 novembre 2024
Lundi 11 novembre 2024
Cher toi,
Pas de mots, pas de photographies. Les semaines sont sèches, je ne suis pas là. Je me suis absenté de mes/ces habitudes – écrire mon journal et prendre des photos – pour m’alléger, me sauver sans doute. Je suis dans une espèce de folie ordinaire, je travaille chaque jour, le weekend dernier ce fut pareil. Jeudi je serai libéré. J’espère.
Aujourd’hui je suis allé me promener, le même parcours, le long de la Garonne, demi-tour avant les hangars, retour par la rue Notre-Dame et ses ombres. Je voulais éviter le soleil dans les yeux, trop bas, qui régnait sur les quais, réconfortant mais éblouissant.
Je ne suis pas à l’abri, je ne suis pas encore assez loin du précipice. Avant-hier, en allant écouter mes camarades lire à haute voix, lire sans moi, j’ai senti que c’était encore trop. Quand bien même je n’écoutais pas vraiment, tu sais je n’écoute jamais vraiment. D’ailleurs, lundi dernier, la neuropsychologue m’a fait part de son bilan, rien de surprenant. Je t’en parlerai de vive voix. … Appelons-nous ! Au fait, le 2 janvier, où seras-tu ?
Samedi 9 novembre 2024
Mardi 5 novembre 2024
Dimanche 27 octobre 2024
En ce temps-là, si on m’avait demandé où je voulais partir, je crois que j’aurais répondu à Turin. Il ne s’agissait pas de tout quitter, disparaître ou tenter une existence ailleurs, mais seulement de changer d’air et voir du pays. Il fallait un ailleurs, et l’ailleurs était Turin. Depuis des semaines, nous étions cadenassés au mur de nos villes. Accroché au goudron. Les aubes ressemblaient toutes à celles d’un dimanche. Nous étions seuls.
::: Pierre Adrian ; Hôtel Roma